Sen Monorom : le Grand Est

Nous arrivons à Sen Monorom depuis Kratie en milieu d’après-midi. Le trajet réservé par notre hôte à Sen Monorom se passe très bien, dans un minibus plutôt confortable. Le trajet est comme d’habitude rythmé par de nombreux petits arrêts dans les villages “étapes” qui nous permettent de prendre l’air régulièrement. Le trajet n’a même pas l’air long ! A notre arrivée, on nous dépose finalement à la gare routière de la ville. Le lieu est en fait une grande place au sommet de la ville, proche de la station-service. Nous sommes un peu étonnés car on devait nous déposer devant notre guesthouse, un peu excentrée. C’était sans compter sur Manel, notre merveilleux hôte, qui nous attendait à la sortie du bus. Chloé de répondre “Ouiii !” à un “Josef?” lancé depuis la foule de chauffeurs de tuk-tuk qui attendaient les passagers du minibus. Un jeune homme derrière une paire de lunette bling bling et sous un chapeau de rappeur US nous fait signe de le suivre vers sa toute petite voiture, toute cabossée. Manel nous accompagne jusque chez-lui, nous présentant la ville pendant les 5 minutes de route qui nous séparent de la guesthouse. Chez lui, toute la famille s’affaire pour s’occuper des clients. Nos sacs sont portés jusqu’à notre chambre par le jeune fils. Le lieu est superbe, construit et géré par la petite famille d’une main de maître.
La chambre est spacieuse et bien ventilée. Nous sommes surpris par quelques coupures d’électricité intempestives qui annoncent le gros orage du soir. Ce n’est pas sans nous réjouir car cet orage apporte avec lui un peu de fraîcheur !
Nous avons eu juste le temps de faire un tour en ville à pied et de rentrer avant l’averse. Le centre-ville est organisé autour d’un marché et de boutiques dispensant tout le nécessaire ; le poisson vivant, la viande à peine dégrossie et l’Iphone 11.
Un peu plus loin, nous nous aventurons sous l’arche délimitant l’entrée d’un temple bouddhiste. Le lieu semble désert et nous marchons à pas feutrés entre les stupas et les statues. Peu à peu nous attirons quand même l’attention. Quelques jeunes moines se regroupent, discutent joyeusement entre eux jusqu’à ce qu’un courageux tente un “Pardonnez-moi, peut-on parler un peu ?”. Dans un anglais impeccable, appris ici au temple, nous échangeons sur nos pays respectifs, et sur les envies du jeune homme qui souhaite pratiquer l’anglais autant qu’il peu et poursuivre ses études aussi loin que possible. Le jeune homme a l’esprit vif et curieux.

Les soirées chez Manel sont très agréables, avec des plats délicieux. On nous fait même gouter des fourmis que la famille déguste comme un met de choix. Un peu comme nos cuisses de grenouille, on n’en mange pas souvent. Les fourmis sont bonnes et c’est l’assaisonnement qui ressort surtout. Les petites bêtes sont frites et craquent sous la dent. L’aspect visuel est étonnant, mais c’est bon. Nous remercions la petite famille et les laissons terminer leurs plats. Nous retournons à notre riz frit, plus classique.

Notre seconde journée dans le Mondulkiri sera l’occasion de visiter la région, accompagné de Sam notre guide conducteur de tuk-tuk pour la journée. Au programme, visite de la cascade de Busra (la plus connue de la région), découvertes des plantations de café, de caoutchouc, de poivre, et présentation des enjeux politico-économiques qui rythment la région.
Notre guide nous conduit vers la cascade située à une bonne heure de route en nous racontant comment la région a changé depuis son enfance. La forêt dense et humide qui occupait jadis tout le paysage laisse peu à peu la place à des cultures qui servent des intérêts étrangers, surtout chinois et vietnamiens. La forêt est défrichée par le feu, permettant aux entreprises agroalimentaires de planter du café du poivre, et autres cultures dont les matières premières seront ensuite exportées. Pire, certaines entreprises se cachent derrière ces cultures pour déforester complètement un terrain affin d’avoir accès aux ressources minières. Le sol du Mondulkiri est en effet chargé en métaux rares et minerais précieux. Les riches investisseurs chinois l’ont vite compris. Ils dépouillent petit à petit les habitants de la région avec l’assentiment du gouvernement cambodgien régit à 95% par la corruption.
Notre guide est assez pessimiste quant à l’avenir proche de son pays qui ne sert que les intérêts d’une petite minorité d’oligarques et qui est soumis aux décisions du protecteur chinois. Avant, il travaillait dans l’armée. Il a quitté ses fonctions quand le gouvernement cambodgien s’est servi de ses soldats pour défendre les terres acquises déloyalement par des riches investisseurs étrangers.
Maintenant il guide des touristes et conduit son tuk-tuk pour faire vivre ses trois enfants. Le plus grand est dans une bonne école et apprend le chinois. Pour un jour pouvoir changer les choses, il faut comprendre comment fonctionne le système. Et quand le système est contrôlé par les chinois…
Au-delà de cette grande présentation politique de son pays, nous en apprenons plus sur les cultures… du pays. On y fait ici un très bon café et un des meilleurs poivres du monde. Ces cultures donnent un bel espoir aux habitants qui ont une occupation assez rentable et mondialement reconnue.
La journée est belle et nous sommes très reconnaissants de l’avoir passé avec notre guide qui nous a généreusement fait partager son savoir et son amour de sa région. Le voyage prend une autre couleur quand il est renseigné, augmenté de toutes ces petites anecdotes, réflexions et informations gentiment distillées au fil de la visite par un habitant connaisseur.
La soirée se passe autour d’un merveilleux dîner chez nos hôtes.
La région du Mondulkiri est surtout la région des éléphants. C’est notamment pour cela que les touristes font le trajet si loin au nord est du pays. Après s’être posé beaucoup de questions sur les conditions de prise en charge de ces gros animaux, il en ressort que tous font quand même un travail assez bon, souvent avec les moyens du bord mais que cela vaut mieux que le travail forcé dans les champs, le transport de touristes et/ou les numéros de cirques.
Si tous aident les éléphants, nous avons quand même choisi l’un des seuls qui ne propose pas de baignade, de nourrissage ou de simplement toucher les éléphants. Nous partirons à leur recherche dans la jungle, et passerons du temps à proximité, sans jamais les toucher.
Nous sommes attendus tôt le matin dans un café de la ville avant de nous rendre tous en minivan à l’entrée du parc. On nous présente la réserve et les consignes de sécurité avant de nous accompagner dans la jungle. La marche est finalement très courte parce que nos hôtes du jour se rassasient juste en dessous. Nous trouvons Sambo et Ruby en train de mâchouiller des feuilles de bananier et autre bambou. Elles ont l’air en pleine forme et bien accommodées à notre présence. Notre petit groupe se place en arc de cercle à une distance raisonnable, suivant les conseils des gardiens pour ne pas les déranger et risquer une charge préventive.
Au fur et à mesure du temps, les deux pachydermes semblent se détendre encore et ne plus se soucier du tout de notre présence. Elles déambulent sur plusieurs mètres, se couvrant de terre sur le chemin déjà très ensoleillé, avant de retrouver un bout de forêt à leur goût pour continuer le repas. C’est que ça mange ces grosses bêtes ! On est impressionné par la facilité qu’elles ont à se déplacer dans la végétation dense et la simplicité déconcertante avec laquelle elles attrapent et cassent les branches pour en manger les feuilles. Bien que plus petits que les éléphants d’Afrique, on comprend en les voyant pourquoi ce sont eux (et pas les lions) les garants de l’équilibre ancestral dans la jungle de Mowgli.
Nous passons presque trois heures a coté d’elles deux. Les laisser vaquer à leur occupation. Nous laissant nous émerveiller simplement de leur présence. La matinée est magique.
Nous sommes heureux d’avoir choisi “The Elephant Valley” pour cette découverte.
En début d’après-midi, nous retournons en ville pour déjeuner et profiter de l’après midi à notre auberge. Le temps est paisible chez Manel. Nous nous réjouissons de notre dernier dîner ici.

Nous partons prendre notre minivan tôt le lendemain matin pour rejoindre Siem Reap dans la journée, 8 heures de bus au programme ! Un café noir pris de l’autre coté de la route chez une petite dame qui le réchauffe directement dans la bouilloire et hop en route !
