Olkhon, la plus grande île du Baïkal

Après notre première rencontre avec le lac, nous avions décidé d’aller un peu plus loin. L’île d’Olkhon est la plus grande île du lac et est la seule à être habitée de manière permanente. Le lieu a l’air extrêmement paisible et très retiré puisque la « grande » ville de l’île, Khoujir, est à 300 km d’Irkoutsk. Grande c’est un grand mot, puisque l’île toute entière ne compte que 1200 habitants. Pour y aller, les premiers à offrir leur service sont des tours organisés, très bien organisés pour vous faire un peu croire qu’il n’y a pas vraiment d’autre solution pour se rendre sur l’île et profiter de ses paysages magnifiques. Pour des tarifs assez prohibitifs, on vous emmène en 4×4 sur cette ile. Après quelques recherches et passés les premiers résultats aguicheurs, des minibus, tout ce qu’il y a de plus « service public » avec réservation en ligne et départ depuis la gare routière assurent des connexions régulières entre différents points de la région. Les habitants des villages éloignés d’Irkoutsk s’en servent pour aller en ville faire des provisions, et trouver du matériel qui n’arrive pas jusqu’à l’île par exemple. Nous avons partagé notre trajet avec une jeune dame rapportant un micro-onde et un vieux monsieur qui devait rééquiper l’ensemble de sa cuisine avec table, tabourets et autres ustensiles.
Le trajet annoncé est de 7h depuis Listvyanka. Il faut dire que la moitié du trajet se fait sur une route vieillissante qui mène jusqu’au ferry et que la route sur l’île est tout simplement une piste de terre, certes bien large et bien tassée par les nombreux passages de minibus, camions et autres véhicules tout-terrain, mais une piste quand même, avec ses trous, ses bosses et ses parties un peu gelées.
Les chauffeurs de ces minibus sont très habiles et savent bien rouler sur ces pistes, nous avons parcourus les derniers 35 km en moins d’une demi-heure. On vous laisse trouver la vitesse moyenne 😊
Dans le bus, qui fait monter les personnes qui attendent au bord de la route, qu’il y ait un arrêt de bus ou non, certains se retrouvent debout sur quelques kilomètres. Un mécanisme d’entraide se met alors en route, celui qui est assis depuis le départ échange sa place avec celui qui était debout, puis un autre, jusqu’à ce que quelqu’un descende. On ne voit pas ça souvent !
C’est dans ce bus que nous rencontrons deux français, les premiers de notre voyage, nous avons surtout croisé des russes qui visitent leur propre pays, ou qui se déplacent simplement d’une ville à l’autre. On peut saluer Laura et Laurent qui ont aussi profité de ce trajet sportif !
Parlons maintenant de cette superbe île. Notre hôtel est situé à deux pas du Shaman Rock, lieu sacré pour les habitants de l’ile. Ce lieu abrite les esprits du lac, c’est le lieu où les rites chamaniques étaient et sont encore pratiqués. Le rock s’avance dans le lac, une plage gelée sur la gauche est arrosée de soleil, il fait très froid, c’est la fin de la journée, nous profitons des derniers rayons, tous seuls, à vous couper le souffle. On comprend à ce moment pourquoi les premiers habitants de l’ile ont choisis ce lieu comme centre de leurs pratiques spirituelles. Il y a un peu de sublime dans cet endroit.

Nous passons les trois jours sur l’ile à marcher. Dans les terres un belvédère, comme l’indique notre GPS, nous incite à prendre un peu de hauteur. Le point de vue offre une vue à 360° sur l’ile. Le soleil toujours présent et assez bas embrase la végétation dorée. La vue est époustouflante. Nous n’avons croisé personne de la journée mais avons quand même été guidés par Charly, notre ami à quatre pattes du jour quinous a accompagné pendant nos 16km de balade, entre le fôret qui jouxte le village, la courte ascension dans les pâturages et le retour par la plage gelée. Il ne nous a quitté que de retour à notre hôtel. C’était aussi le moment pour lui de retrouver ses maîtres, quelque part dans le village.
Pendant cette balade magique, nous croisons une petite étendue d’eau, complètement gelée, séparée du lac par ce qui pourrait être une petite digue sablonneuse. Le lac est encore bien liquide, mais on se fait une petite idée de l’état du paysage quand lui aussi aura complément gelé. Un bateau échoué sur la plage voisine attire notre attention, nous le rejoignons et foulons donc le sable pris dans la glace qui s’alterne en couche successive glace/sable, un peu à la manière de couches sédimentaires. La sensation de marche sur du sable dur est très particulière, ce n’est pas vraiment de la glace, ni vraiment une plage de sable, l’eau gelée reliant les grains solidifie le tout, pétrifiant le sable temporairement.
La glace se forme au bord de lac, selon la température de la nuit, elle gagne plus ou moins sur l’eau. Les vagues qui viennent faire onduler ce pourtour gelé le font frémir en douceur, produisant un son salé, entre le vent dans le blé et du papier de verre doucement frotté contre le bois. Tout le bord du lac est blanc, comme pris dans un gigantesque anneau indiquant les limites de la terre.
Il n’y pas presque personne sur l’île, nous partageons notre hôtel avec un groupe cinq coréens, et visiblement, tous les autres établissements sont également presque vides. Nous apprendrons plus tard que l’île est un lieu très prisé par le tourisme asiatique et surtout chinois l’été, ce qui explique les nombreuses inscriptions en chinois sur les murs de l’hôtel.
Nous avons également découvert l’île vers le nord, rejoignant un cap, véritable promontoire sur le lac, bordant l’aérodrome de l’ile. A nouveau nous avançons sur une plage gelée, pour rentrer par la route. Là encore, personne. On marche au milieu du lac Baïkal, au milieu de rien et de personne. C’est enivrant. Seules quelques vaches errent en troupeau dispersé. Nous nous prenons même à imaginer une retraite ici, dans une petite maison en bois, presque neuve, avec vue sur le lac et le soleil qui entre par la baie vitrée… On verra quand on sera vieux ! Pour le moment il est temps de rentrer avant la nuit, la période de la journée entre le coucher du soleil et la nuit devient parfaitement glaciale ! Et en plus, nous devons retrouver Laura et Laurent pour un dîner dans le seul restaurant, bar, salle à manger, boite de nuit de la ville.
Nous avons passé une très sympathique soirée en bonne compagnie, à échanger sur nos voyages respectifs. Nos compatriotes sont aussi en voyage au long cours pendant cinq mois, entre la France et l’Asie de l’est, pour terminer en théorie aux Philippines. Nous nous reverrons peut-être en cours de route d’ailleurs !
Le retour se fait à la frontale, tellement l’éclairage public est faible ou inexistant dans certaines rues. La nuit est claire et il ne fait plus si froid. La bière russe et le vin de Crimée n’y sont sans doute pas pour rien…
Nous aurions adoré passer nos cinq jours prévus sur cette île, dans notre charmant petit hôtel. Mais comme les meilleurs choses sont souvent les plus courtes, une perturbation administrative non calculée est venue raccourcir notre séjour. Comme à chaque check-in en Russie, nous présentons nos passeports et notre carte d’immigration pour permettre à l’établissement de faire le nécessaire auprès des services des douanes. Jusqu’ici rien d’anormal. C’est sans compter sur le coup de téléphone du responsable de l’hôtel s’étonnant que notre séjour dans son établissement dépasse la fin de validité de notre visa. Nous devions rester jusqu’au 2 décembre, et étions rentré le 4 novembre en Russie. Calculez comme nous, ça fait bien moins de 30 jours. MAIS ! Ces 30 jours ne se déclenchent pas à l’entrée sur le territoire, mais bien à la date inscrite sur le visa, pour nous le 1er novembre. Nous devions donc quitter le territoire russe avant le 30 novembre, raccourcissant ainsi notre séjour sur l’île de 2 jours, pour rentrer à Irkoutsk le 29 et sauter dans le train partant le samedi 30 à 8h13, nous permettant par la même de passer la frontière mongole dans la nuit avant le 1er décembre…
Bref, nous pouvons remercier Nikita, le responsable de l’hôtel qui nous a justement faire remarquer que la date d’expiration de notre visa était bien le 30 novembre et non le 4 décembre, en nous recommandant fortement d’être effectivement sortis de Russie à cette date fatidique. Après s’être sentis bien bêtes et après avoir modifié nos réservations, nous n’avons eu aucun problème pour passer la frontière dans les temps. Ouf 😉
