Novossibirsk, le cœur de la Sibérie

Comme prévu, nous arrivons sous -27°C à Novossibirsk. Nous décidons de gagner quelques minutes de marche dans ce froid glacial en prenant le métro pour nous rendre à notre auberge. Pour prendre ce métro, il faut acheter non pas un ticket, mais un jeton, que l’on glisse ensuite dans la fente d’un bloc délimitant les passages d’entrée dans le métro. Une petite lumière verte et vous pouvez passer. Pas de barrière qui se lève, pas de tourniquet qui tournique, pas de porte qui vous confirme que vous êtes en droit d’entrer, juste une petite lumière. En tant que bons Français, on se dit un instant qu’il est bien facile de frauder. Mais nous ne jouerons pas à ce jeu avec les Russes.
Une fois sortis du métro, les quelques minutes qui nous séparent de l’auberge nous donnent le ton : 5cm de neige sur les trottoirs, idem sur les routes, des plaques de givre un peu partout, et des Russes qui ont l’air de trouver ça normal. On est loin des cris au scandale de nous autres Français lorsque le chasse-neige n’est pas encore passé à 8h du matin…
Nous arrivons dans notre petite auberge, posons notre sac et partons faire quelques courses. Une fois revenus, nous préparons le dîner aux côtés de jeunes Russes, qui discutent et rient bruyamment. Une jeune fille nous interpelle en nous demandant, dans un anglais plutôt bon, d’où nous venons. Et surtout, elle enchaîne avec “Mais POURQUOI vous êtes ici, à Novossibirsk ?”. Ce n’est pas la première ni la dernière fois que nous entendons une telle question. C’est vrai que dans cette auberge, nous sommes pour l’instant les seuls étrangers. Enfin presque, puisque cette jeune fille n’est en fait pas Russe mais Kazakh, et est ici pour des vacances. Elle nous invite à prendre un morceau de gâteau, acheté pour l’occasion de l’anniversaire d’une autre jeune fille de la bande ; ce que nous acceptons avec plaisir. Toujours aussi difficile de communiquer malheureusement, parce qu’à part elle, personne ne parle un mot d’anglais… Nous partagerons néanmoins cette cuisine – salon avec eux pendant tous les repas. Assis à la même petite table, chacun dans son assiette, mais c’est plutôt normal visiblement 😊 Nous rencontrerons plus tard un couple de chilien venu visiter la Russie pendant un long voyage également. Nous recroiserons également un russe, déjà croisé dans notre auberge précédente, à Tioumen ; qui nous reconnaîtra instantanément.
Sinon, l’auberge est plutôt sympa, hormis les deux ronfleuses de notre dortoir, qui me feront monter la tension plus d’une fois quand je serai obligée de mettre mes écouteurs et le son de mon smartphone à fond pour ne plus entendre les vrombissements intempestifs. La joie des dortoirs !
Tant que l’on n’a pas connu la sensation des -27°C, on ne peut pas vraiment imaginer ce que cela procure dans tout le corps… Le visage, les mains et les pieds sont bien sûrs les premiers à être en souffrance, donc nous couvrons tout ce que nous pouvons. Pour autant, au bout de quelques minutes, la barbe de Joseph, mes cheveux et mes cils prennent la couleur qu’ils auront dans quelques années : un blanc flamboyant 😊
Lorsqu’il fait aussi froid, on ne sort pas à l’extérieur à l’arrache en se disant que l’on verra bien ce que l’on fait une fois dehors. Non non, cela demande une haute organisation ! Tout d’abord, on regarde où l’on veut aller. Moins de 20 minutes à pieds ? Ok ça le fait ! Plus ? C’est métro obligatoire, histoire de se réchauffer entre le départ et l’arrivée. Et après notre point d’arrivée, que ferons-nous ? Si nous avons un autre lieu à visiter, il convient de repérer un café, entre les deux points de chute, histoire de siroter un café tout en regarder la vie passer depuis la fenêtre embuée. Tout est sous contrôle ? Alors c’est parti, doubles-chaussettes, sous-gants, moufles, écharpe, bonnet, capuches, on y va !
Lorsqu’il fait aussi froid, on a des pensées étonnantes, aussi… Dans la cuisine de notre auberge, il y avait un congélateur, affichant sa température : -18°C. C’est bien la première fois de notre vie que l’on s’est dit “Tiens, si on sortait dans le congèl plutôt que dehors ? Il fait moins froid !”.
Nous commençons par une visite de la ville, à pieds. Nous découvrons une statue à l’effigie de Lénine sur la place principale. Sur cette dernière, nous observons les employés de la mairie (on imagine…) tenter de venir à bout de toute cette neige… et ce n’est pas à coups de pelle qu’ils travaillent, mais depuis leur tracteur, avec lequel ils pèlent la neige d’un côté pour l’emmener de l’autre. Pareil sur les routes et sur les trottoirs… On ne sait pas bien ce qui se passe ensuite. J’avais imaginé qu’ils emportaient cette neige dans une pièce chaude pour la faire fondre, mais Joseph a ri, donc j’ai déduit que c’était une mauvaise hypothèse.
Nous poursuivons notre balade au sein de la ville, dans laquelle les habitants ne nous paraissent pas beaucoup plus habillés que nous, mais on des vêtements de compétition, notamment des chaussures en feutre, particulièrement saillantes. Nous croisons également le chemin de l’église Saint-Nicolas, réputée pour être située pile au milieu du pays.

Nous décidons de visiter le musée de l’URSS. Plus qu’un musée, il s’agit en fait d’une collection d’un passionné, qui a transformé sa maison en musée. Tout un tas d’objets de l’époque soviétique attirent l’œil des voyageurs que nous sommes. Nous avons droit à une visite guidée par le propriétaire lui-même. Nous ne comprendrons que quelques bribes, ses phrases comportant souvent le premier mot en anglais puis tous les autres en russe… Nous retiendrons cette phrase, qu’il nous répétera à plusieurs reprises : “This is not a museum, this is atmosphere…”, avec son accent russe bien particulier. Joseph aura également le privilège d’essayer une veste et un chapeau du même type que les vêtements portés par Staline à l’époque. Les pièces se suivent, toutes plus remplies les unes que les autres par des objets en tous genres : appareils photos, aspirateurs, jouets, etc.
Nous enchaînons cette étonnante visite avec un autre musée (quand le froid est là, les musées vous sauvent…) : celui de l’art. Nous entrons dans le musée, demandons deux tickets à la dame de l’accueil, qui lève les yeux au ciel quand elle voit que nous ne comprenons pas un mot de ce qu’elle nous raconte, et nous emmène vers un plan du musée, nous baragouinant là encore des mots que nous ne comprenons pas. Nous restons là, plantés devant ce plan. Devons-nous choisir une salle ? un étage ? une expo ? On finit par retourner vers elle, citant le nom d’un truc qu’on avait vu sur le plan sans vraiment savoir ce que c’était, et on finit par avoir nos deux entrées. Entrées qui mènent à l’ensemble du musée, toutes expositions confondues. Autant parfois nous comprenons quelques temps après de quoi le quiproquo s’agissait, autant là, nous n’avons toujours pas compris.
Les salles du musée s’enchaînent, portant à nos yeux des œuvres datant de diverses époques. Des artistes russes, allemands, français se succèdent. Les œuvres contemporaines d’artistes russes nous plaisent particulièrement. Dans chaque salle, un.e surveillant.e nous observe durant notre visite. En Russie, il y a toujours BEAUCOUP de personnel dans les musées, nous nous étions déjà fait la remarque dans le musée d’art contemporain de Moscou, où 3 personnes nous surveillaient dans une salle de 30m²… Bon, on se dit que les musées créent de l’emploi et que c’est surement très bien comme cela finalement. Au-delà de l’aspect surveillance, les employé.e.s sont également là pour allumer la lumière des salles lorsque nous arrivons… C’est assez étonnant mais vu le peu de monde dans le musée à ce moment-là, on comprend la volonté d’économiser l’énergie 😉
Le lendemain, nous nous lançons dans une mission de haute importance : faire une lessive. Hé oui, ça fait aussi partie d’un voyage comme celui-là. Nous nous mettons donc à la recherche d’une laverie, établissement très rare dans cette ville puisque nous n’en trouvons qu’une seule. Nous nous mettons donc en route pour la laverie. L’avantage à voyager léger, c’est que du coup, pas besoin de sac, nous laverons ce que nous portons sur nous ; puisque nous n’avons pas d’autres vêtements. Ok j’exagère un peu, mais pas tant que ça. Nous finissons par arriver à la dite laverie après quelques difficultés à la trouver (il faut dire qu’il faut entrer dans un espèce de centre commercial qui n’en est pas un, puis traverser les couloirs situés à l’arrière, passer des bureaux administratifs pour finalement arriver à la laverie…). Une dame est là, nous déposons nos vêtements (après nous être partiellement déshabillés, donc), payons l’équivalent de 3,80€ et laissons la dame s’occuper de nous les laver et sécher, puisque c’est comme cela que ça se passe ici. Elle nous dit de revenir 2h30 après. Nous avions prévu de rester dans la laverie le temps du lavage et séchage, mais on se dit que c’est bizarre d’attendre devant la dame tout ce temps, alors on part, en direction d’un centre commercial repéré avant, dans lequel nous pouvons nous mettre au chaud en attendant. Nous ressortons donc dehors, sans nos pulls puisqu’en train d’être lavés. Et bien t-shirt + doudoune, ça ne suffit pas à avoir chaud figurez-vous… Après une longue attente nous retournons à la laverie, où nous vêtements tournent tranquillement dans le sèche-linge. Nous récupérons nos vêtements et renfilons nos pulls, qui sont encore tout chauds, bonheur. Nous repartons avec des vêtements propres, vrai luxe pendant un tel voyage.
Le soir, nous avions décidé d’assister à un concert de musique classique. Billets réservés en ligne la veille, nous nous dirigeons vers le théâtre de la ville. Devant le théâtre, nous réalisons finalement que ce concert doit se jouer dans une succursale, vers laquelle nous nous dirigeons alors. A l’accueil, nous montrons notre ticket. L’hôtesse fait une drôle de tête et nous répond “Birsk” ou un truc du genre. On ne sait pas bien si ça veut dire “bienvenue” ou “allez vous faire voir”. Voyant notre mine dépitée, elle appelle une de ses collègues, une jeune russe parlant un peu anglais, qui nous explique tout. En fait, le concert en question est à Birsk, et non pas à Novossibirsk. Oui oui, nous avons réussi à réserver une place de concert dans une autre ville que celle où nous étions… Forts, hein ?
Le lendemain, nous reprenons la direction de la gare, pour notre trajet suivant, nous menant au bord du lac Baikal. Nous avons hâte. Et en plus, la météo annonce -10°C environ, le pied !
J’ai froid en vous lisant….
L’uniforme va bien à Joseph, heureusement qu’il sourit, sinon il ferait peur…
Bonne continuation dans votre périple
Bisoussss
Véro